189 places en garderie c’est bien, pourvoir des postes d’éducatrices serait mieux

Le gouvernement de l’Ontario a annoncé, le 10 octobre, 189 places supplémentaires d’ici 2026 au profit des services de garde agréés dans le district de Cochrane. L’Association francophone à l’éducation des services à l’enfance de l’Ontario (l’Aféseo) ne croit pas que cet ajout aura un impact important en raison du manque d’éducateurs. Le ministère de l’Éducation promet d’y remédier.  

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Mehdi Mehenni

IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur

 

La directrice des services à l’enfance au Conseil des services sociaux du district de Cochrane, Shannon Costello, indique que 41 places seront disponibles en 2023. Suivront 70 places en 2024, 43 places en 2025 et 35 places en 2026.

Elle précise que le nombre de places réservées aux garderies francophones sera en fonction des capacités de fonctionnement celles-ci.

«Il existe déjà 2347 places dans le district de Cochrane; 1148 d’entre elles sont des places francophones. En juillet dernier, 707 de ces places francophones ont été fermées en raison du manque d’éducateurs», précise Mme Castello.

Elle croit savoir, néanmoins, qu’il y a eu «une certaine amélioration dans le recrutement pour le mois de septembre». Mais elle précise que «tous les titulaires de permis n’ont pas encore communiqué leurs chiffres».

Pour l’heure, Shannon Castello fait savoir que les collectivités à qui profiteront ces places supplémentaires sont Hearst, Timmins (y compris les 49 places déjà annoncées pour l’école St. Joseph à South Porcupine), Kapuskasing, Iroquois Falls, Matheson et Smooth Rock Falls. 

Elle note, cependant, qu’il n’y a actuellement aucune garderie agréée disponible dans les communautés de Matheson et de Smooth Rock Falls.

Au total, 72 500 places ont été dégagées dans la province, selon Isha Chaudhuri, conseillère principale en communication et attachée de presse du ministre de l’Éducation, Stephen Lecce. Elle affirme que «la Province a collaboré avec les gestionnaires des services à l’enfance pour veiller à ce que les nouvelles places soient disponibles dans les collectivités qui en ont le plus besoin».

De nouvelles exigences à venir  

Pour que les 189 places soient opérationnelles, Shannon Castello souligne la nécessité de recruter 56 éducateurs supplémentaires.

Elle annonce, d’ailleurs, qu’un plan de recrutement et de maintien des effectifs sera inscrit et exigé dans le prochain plan quinquennal des services à l’enfance du Conseil des services sociaux du district de Cochrane. «Ce plan est en cours d’élaboration et devrait être publié dans les mois à venir», ajoute-t-elle.

C’est justement là toute la difficulté qu’entrevoient les garderies francophones. À tel point que la directrice générale de l’Aféseo, Martine St-Onge, affiche peu d’attentes à l’égard de cette annonce.

«En soi, c’est une bonne nouvelle. Mais les parents qui sont déjà sur les listes d’attentes vont y demeurer tout de même. Il n’y a pas de personnel éducateur pour remplir les places», lance-t-elle.

Elle précise, d’ailleurs, que la plupart des pourvoyeurs-fournisseurs actuels ne fonctionnent pas à pleine capacité. «Il est difficile de savoir combien de parents sont inscrits dans les listes d’attentes, parce qu’il y en a qui le font dans deux ou trois places différentes. Mais pour avoir une idée, nous avons 35 000 places au permis pour les francophones. Seulement la moitié est occupée, actuellement», relève-t-elle.

Elle rappelle que le dernier recensement provincial 2018-2019 a révélé que le système de garderie francophone de l’Ontario dessert 50 % seulement des ayants droit, au titre de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés1.

«Et là encore, le recensement se concentre sur les enfants qui ont pour langue maternelle le français et qui ne parlent que le français à la maison. Si nous incluons toutes les catégories de francophones, nous sommes actuellement rendus à desservir 25 % seulement des ayants droit», précise-t-elle.

«Salaires non compétitifs»

Martine St-Onge est catégorique. Pour elle, le manque d’éducateurs dans les garderies est dû aux conditions de travail. «Avec les salaires et les avantages sociaux qui sont non compétitifs, en plus de la responsabilité et de la charge horaire que cela implique, quand nous réussissons à recruter des éducateurs, nous parvenons rarement à les retenir», explique-t-elle.

Pourtant, elle affirme que la question de l’amélioration des conditions de travail des éducateurs a été souvent mentionnée comme une priorité dans les discussions avec le gouvernement provincial. «On en est là, aujourd’hui. Il y a des places de disponibles, mais il n’y a personne pour les combler», regrette-t-elle.

De ce fait, Mme St-Onge assure que les services à l’enfance francophone se retrouvent pénalisés sur plusieurs aspects.

«D’abord, parce que nous ne sommes pas capables de recruter et retenir notre personnel. Ensuite, nous sommes exclus du financement bilatéral fédéral-provincial pour la petite enfance, parce que l’une des exigences est d’avoir une capacité opérationnelle de 80 % au minimum», énumère-t-elle.

Elle considère que cette situation «favorise l’assimilation des francophones, parce que si les enfants ne sont pas inscrits dès le départ dans les centres éducatifs de langue française, la tendance veut qu’ils aillent continuer l’école en anglais».

En attendant, Martine St-Onge ne voit pas de solutions magiques. «Il faut augmenter les salaires, pour maximiser la rétention et favoriser le recrutement. Cela ne sert à rien de créer des places si on n’est pas capable de les remplir», conclut-elle.

L’attachée de presse du ministre de l’Éducation soutient, à ce propos, que «l’Ontario reconnait qu’il faut faire davantage» et que cela l’a conduit «à mener de vastes consultations» auprès de ses partenaires du secteur. 

«En se fondant sur les commentaires du secteur, le ministère élabore actuellement une stratégie de la main-d’œuvre visant à créer un nombre suffisant d’éducateurs de la petite enfance pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre existantes et soutenir la mise en place de nouvelles places abordables», assure-t-elle.

1 - L’article 23 de la Charte oblige les gouvernements des provinces et des territoires à assurer l’instruction des Canadiens dans la langue officielle de leur choix, et ce, même dans les régions où seulement une minorité de résidents parlent cette langue. (Source : Guide sur la Charte canadienne des droits et libertés).

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Photo : BBC Creative sur Unsplash

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  • Date de création 18 octobre, 2023
  • Dernière mise à jour 15 octobre, 2023
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